L'adoptée

Publié le par festivallesdionysies.over-blog.fr

 

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Quand l'enfant va au théâtre, il attend toujours cette sorte d'émerveillement ou d'ouverture de l'imaginaire qu'il a ressenti très petit. Donc, quand le rideau se lève, on ne peut pas le décevoir.

Joël Jouanneau

 

Magali Maury de la compagnie Aco M'agrado et Catherine Metelski de la compagnie l'Anagramme, nous proposent, accompagnée de la marionnette Tom, l'Adoptée de Joël Jouanneau.

 

 

La pièce

 

L'adoptée se déroule pendant les sept jours de la semaine, l'adoptéesept jours pour une rencontre. Tom, un enfant qui se gratte et se tait, déboule un jour  devant la porte de Procolp, une vieille revêche. Cette dernière veut le faire décamper à coup de fouet, mais le gamin ne bouge pas. Procolp le recueille alors à contrecoeur. La première nuit, Tom fait pipi au lit, c'en est trop pour la vieille. Mais comme le gamin est malin, c'est difficile de se débarrasser de lui. Et voilà qu'au fil de la semaine, la vieille va devenir "L'adoptée" de Tom, en permettant à certains sentiments, comme la tendresse et les larmes, de l'emporter sur la colère, l'amertume et les cris.

 

Le texte de Joël Jouanneau véritable apologie de la vie rurale, s’adresse à tous, enfants et adultes, l’exclusion et la peur n’ayant pas d’âge.  Sa langue faite de mots ciselés réveille nos oreilles. Comme une musique, rude, drôle et rythmée, elle vient directement parler à l’enfant qui est en nous.

 

L'auteur crée tout un jeu malicieux d'adresses au public, où la voisine, Badine, rudoie un peu les gamins-spectateurs, pour mettre en jeu de façon ludique le théâtre, dans la manière de nous présenter les personnages par exemple. La pièce se déroule à toute vitesse, et quand survient le dimanche, on serait partant pour passer une semaine supplémentaire dans cet univers.

 

J'ai écrit L'adoptée pour que, plus tard, tu ouvres ta porte quand un étranger passe conclut Joël Jouanneau dans la postface du livre paru chez Actes Sud Papiers en 2003.

 

Une initiation précieuse à accepter l'autre et l'inconnu.

 

L'auteur

 

jouanneau 2

Né en 1946 à Celle, Loir-et-Cher Joël Jouanneau est auteur et metteur en scène. De 1970 à 1984, il anime une compagnie de théâtre amateur, le Collectif du Grand Luxe, avec laquelle il met en scène Genet, Pinter, Fassbinder, Gombrowicz, Borgès, Artaud. Il se consacre entièrement au théâtre à partir de 1984 et devient le principal collaborateur de Bruno Bayen et de la compagnie Pénélope jusqu'en 1987.

En 1985, il écrit sa première pièce, Nuit d'orage sur Gaza, qu'il met en scène en 1987 à Genève, au Théâtre de Poche. Il écrit ensuite une trilogie sur l'errance et l'utopie : Le Bourrichon, comédie rurale (Prix du syndicat de la critique), Kiki l'indien, comédie alpine (Prix du jury et du public, au festival Turbulences de Strasbourg), Mamie ouate en Papoâsie, comédie insulaire. Suivent Gauche uppercut, comédie urbaine, en 1991, Le marin perdu en mer, comédie pirate, en 1992, Allegria opus 147 (Prix du syndicat de la critique), en 1993, Le condor, en 1994.... Tous ses textes sont édités chez Actes Sud Papiers, à l'exception de Dernier rayon, publié à l'École des loisirs en 1998.

Il monte lui-même la majorité de ses textes, entre autre au Théâtre de Poche à Genève, au C.D.N.E.J. de Sartrouville, au festival d'Avignon et au festival d'Automne, au Théâtre de la Bastille.

Kiki l'indien a été mis en scène par Michel Raskine au Théâtre de Sartrouville en 1989, et Stéphanie Loïk a créé Gauche uppercut à la Scène nationale de Villeneuve d'Ascq en 1991. En 1991, il reçoit le prix Théâtre S.A.C.D.

Depuis 1985, il met régulièrement en scène des auteurs contemporains dont Robert Pinget, Samuel Beckett, Thomas Bernhard, Jean-Luc Lagarce, Normand Chaurette, Yves Ravey, Jacques Rebotier, Jacques Séréna.

Il adapte également pour la scène des romans : Les enfants Tanner, L'Institut Benjamenta de Robert Walser, L’idiot de Dostoïevski, Les amantes d'Elfriede Jelinek, Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad.

À partir de 1990 et jusqu'en 2003, il est artiste associé puis codirecteur du Théâtre de Sartrouville.Il participe au collectif pédagogique de l'école du Théâtre National de Strasbourg, de 1992 à 2000.

Depuis 2000, il enseigne au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris.

Se consacrant largement à l’écriture, il a refusé en 2007 le poste de directeur du conservatoire national supérieur d’art dramatique, assurant seulement l’intérim entre le décès de Claude Stratz et la nomination de Daniel Mesguich. Son équipe de création technique est composée de Jacques Gabel (scénographe), Franck Thévenon (éclairagiste) et Pablo Bergel (créateur son).

Il a écrit 23 pièce en guère plus de 20ans, et mis en scène 50 pièces entre 1984 et 2009.

 

 

Pour aller plus loin

 

Ci-dessous une interview réalisée par Anès Santi extrait de Focus N°160 de septembre 2008, issue de la 3ème Rencontre Culture de Cergy-Pontoise.

 

Joël Jouanneau répondait à la question thème de la rencontre : L’éducation artistique : de quoi parle-t-on ?

 

Agir ici et maintenant

 

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire pour le jeune public ?
 
Ecrire fut pour moi non pas une décision, mais un acte en soi mystérieux, cela encore aujourd’hui m’échappe, c’est resté comme un appel, l’écho d’un cri lointain qui étouffe, la page blanche étant un oxygène possible, de quoi retrouver du souffle. J’avais plus de quarante ans quand j’ai écrit Mamie Ouate en Papoâsie, et je ne savais pas en l’écrivant que la pièce serait pour enfants. Pour les quatre qui ont suivi, Dernier rayon, L’adoptée, L’ébloui, Le marin d’eau douce, c’est aussi à mon insu qu’elles sont apparues, disons qu’elles étaient cachées au fond de mon encrier.
 
« L’éducation artistique à l’école, pour moi, est une utopie concrète à laquelle je participe chaque fois que j’entre dans une classe. »
 
Qu’est-ce qui vous  motive dans le théâtre jeune public, et plus spécifiquement dans l’éducation artistique ?

La motivation première je la dois à un enfant difficile de Quimper. Il n’allait pas très bien, parlait peu et lisait moins encore. Une valise est arrivée dans sa classe avec des livres de théâtre écrits par des grands pour des enfants. Pourquoi il a ouvert la valise, puis dévoré les livres, je ne le sais pas. Sa mère s’est prise au jeu et mise à lire les dialogues avec lui. J’étais là ce jour-là. Quand je vais dans une classe, j’ai toujours une petite pensée pour eux, c’est un peu comme s’ils m’accompagnaient. Mais ce qui pose question, ce n’est pas tant l’éducation artistique à l’école que les raisons cachées qui font que, par-delà les grandes déclarations et le semblant de consensus, on se refuse à la légitimer.
 
Quelle est la fonction de l’éducation artistique auprès des jeunes ?
 
C’est l’apprentissage du verbe être et sa conjugaison, sachant que notre présence au monde est éphémère. Que cela soit source d’angoisse, à coup sûr, mais rien n’interdit de l’apprivoiser, de danser ou de faire de la musique avec, ou de la mettre en mots. Et c’est la gratuité de notre présence qui rend chacun de nous non seulement utile mais indispensable dans un univers marchand où l’on voudrait que tout ne soit qu’offre et demande. Et je suis convaincu, du moins c’est mon expérience, que ce qui permet au cheval de bois de mon enfance rurale de rencontrer le jeu vidéo d’un enfant urbanisé c’est cette vérité ontologique qui dépasse tous les clivages d’âge et de culture et rend possiblement universel chaque intime.
 
L’art à l’école : est-ce une utopie ?
 
L’éducation artistique à l’école, pour moi, est une utopie concrète à laquelle je participe chaque fois que j’entre dans une classe. Je suis résolument pragmatique, dès que je parle d’éducation artistique à l’école, je veux la pratiquer là maintenant, avec l’enfant d’aujourd’hui. C’est pourquoi je ne peux attendre qu’une révolution se fasse dans les industries culturelles ou théâtrales pour agir. J’ai, avec Claire David, été à l’origine de la création de la collection Heyoka-jeunesse chez Actes-Sud Papiers ; j’ai participé avec mes amis de Sartrouville à la naissance d’Odyssées, ce festival rassemble maintenant des milliers d’enfants dans les Yvelines. Je m’apprête à faire une version de Mamie Ouate à même d’être accueillie dans les villages et je travaille avec des amis à la création d’une collection vidéo de textes et pièces pour enfants pouvant être diffusée dans les écoles. Cela suppose toujours de trouver des complices motivés. C’est un travail de Sisyphe, mais à l’école j’ai entre autres appris que Sisyphe pouvait être heureux.

 

Sources : Le Matricule des anges, La Chartreuse,

Wikipédia, Fabrik'art's, La Terrasse, Theatre-enfants.com.

 

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